Nov 21, 2017

Sur Barthes (1)

Au risque de paraître par trop clair (sans que je n’y puisse rien: il s’agit peut-être d’ “[une] clarté qui n’exclu[e] pas, bien entendu, une vive impression de beauté, et pour tout dire, une émotion profonde” - Roland Barthes, “La rencontre est aussi un combat”), je mets un peu au petit bonheur mes notes qui sont décousues, certes, sans pour autant être non mal ficelées, du moins à mon sens (et mon non-sens). Des liens sont parfois d’une parfaite inutilité et au-dessous des apparences il existe probablement d’autres apparences.

  

S’ils n’ont pas trop peur de leurs premières impressions - qui parlent toujours trop, et qui sont souvent trop justes - les lecteurs auront bien des chances de voir chez Barthes, à la place réservée a priori à quelque chose d’essentiel, si toutefois les essences ne font pas peur, elles aussi, une image dont l’attribut premier serait la souplesse et même l’ondulation. Le fluide par excellence. À tel point qu’elle rappellerait l’informité. D’où la non-surprise devant ses affinités très grandes avec Michelet ou Gide, autres incarnations non moins significatives de cette extension de substance surprenante dans la mesure même du fait de ne pas s’étendre: ce qui est trop mouvant dans sa souplesse fait preuve (une illusion - mais pas tellement) d’une immobilité parfaite, celle du silence par exemple. Or, les êtres souples (ils sont par ailleurs rares), comme des serpents (l’image est certes un peu troublante, et donc exagérée) ou comme l’eau, n’ont pas vraiment d’os. Le manque du dur d’abord, donc. Et celui de la durée également.


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Prendre une juste distance veut dire justement échapper au juste milieu.


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À un moment donné (en 1970), Barthes s’est vu lui-même. Il a, pour le faire et tout simplement, trouvé un miroir pour lui. Cela s’est passé assez loin de la France et de sa bourgeoisie (plutôt petite-bourgeoisie), car ça a été au Japon. Le Japon était pour lui le miroir où se voir. Qu’y a-t-il vu? l’image de quelque chose avec un vide au milieu.


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Il est toujours . Comment est-ce possible? C’est parce que son est en même temps un là-bas et un au-delà.


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Barthes est bien la dernière grande figure d’une tradition française (et universelle), celle des hommes des revues. L’humanité éclairée (elle l’est depuis toujours trop, pour notre malheur) aura de grands regrets pour ces futilités revuistes si vivantes. Tout comme pour les forêts détruites.


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Barthes n’est pas un théoricien (littéraire), jamais. Par choix ou plutôt par Nature. Là réside son énigme. Il est toujours en-deçà de la théorie. De toute chose, pour tout dire.


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On ne l’a pas compris, on le comprend moins encore. Il est de cette catégorie d’individus merveilleusement incompris de l’esprit français, au même titre que Rabelais, Benjamin Constant, de Maistre, Paul Valéry ou Roger Caillois (c’est-à-dire le volet opposé aux personnages terriblement français, des Victor Hugo, des Georges Bataille, des Jean-Paul Sartre ou des Antonin Artaud). Roland Barthes est le dernier venu de cet ensemble. C’étaient les étrangers qui ont découvert pour les Français quelques-uns de leurs génies: dans le cas de Rabelais tout était très clair avec Mikhaïl Bakhtine, Leo Spitzer et Milan Kundera. Cioran a fait la même chose avec de Maistre et Caillois (mais pas avec Valéry: il ne l’a pas vu).


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L’esprit a ceci de particulier, il est aveugle, aussi bien devant le trop de mouvement que devant le trop peu de mouvement.


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Balzac, Bakhtine et Barthes ont, entre eux, tout un grand jeu de rapports et d’affinités, sélectives évidemment (et de conflits aussi) d’ordre complémentaire, et cela non seulement parce que tous trois, comme par hasard, portent un “Ba” (en vietnamien, cela veux dire “trois”) initial dans leur nom qui s’avère en tout cas très important. L’effet d’ensemble est presque insupportable: ils - ou plutôt ce qu’ils signifient - déforment (et débordent); ils sont la Forme même.





NB. đã tiếp tục bài "Michelet, Lịch Sử và Chết" của Barthes và tiếp tục bài về Simenon

4 comments:

  1. "À tel point qu’elle rappellerait l’informité. ... d’une immobilité parfaite,... Le manque du dur d’abord, donc. Et celui de la durée également." let say He moved beyond "Le fluide" and started large extension constantly; didn't He?

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  2. no, apparently: one goes rarely beyond his "element", and what for?

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  3. yeah, it is only an imagination of the Observator who was from outside. it doesn't mean anyone floats about on those :p
    'cause of "d’une immobilité parfaite," that suggested an extraodinary measure: one might make the stillness situation by his overcoming.

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  4. ", il est aveugle," - cause of the awareness and the ignorance operate in the same body. also it is to be called "hapiness."

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