Jul 28, 2021

désolé & désertique

(on continue - un peu - avec "Sortir du puits")


pourvu qu'on ne soit pas pris au dépourvu


"Si on les relatait par le détail, je ne crois pas que le monde entier puisse contenir les livres qu'il en faudrait écrire."

(selon Jean)


Le centre-ville donne l'impression de quelque chose d'intensément gai, d'une gaîté de cimetière, si cela est concevable.

Il y un lac qui n'est pas seulement célèbre, il est aussi symbolique. Un lac fameux. Ce qu'on ne trouve nulle part ailleurs, on y puise, car ce lac contient une quantité infinie de noirceur. Oui, c'est là une de ses plus grandes qualités, puisqu'il est vindicatif: un lac décisif et vindicatif, que de plus merveilleux. Sinon, comment pourrait-on vivre, ici? Sans cela, rien n'est possible. Les jours d'une grande clarté, cet espace d'eau ne ressemble-t-il pas particulièrement à un rictus?

Je me trouve dans l'obligation de dire que des propriétés de ce lac, je n'en ai qu'une maigre connaissance, comme tout le monde. Je l'évite du reste, ayant d'autres chats à fouetter. Toutefois, il ricane souvent, ça j'en suis sûr. À nous deux maintenant.

Pour vrai dire je connais beaucoup mieux ses parages. C'est exactement l'endroit où j'ai eu une révélation (je le dit tout en sachant que les révélations n'existent pas; je le dit par habitude). J'y reviendrai plus tard: pas facile d'en parler.

Dans ces rues-là quand, chose à peine imaginable, il n'y a pas âme qui vive, on ressent un certain malaise. Et dans ces rues-là, les moments d'un soleil torride, on se voit devenir une omelette qui ne se sert à personne. Mais il ne faut pas se rapprocher trop du lac, même si alors on aurait une illusion de fraîcheur. Jadis, pour un certain laps de temps, il était de mode chez les jeunes filles d'ici de s'y jeter, les journaux en parlaient amplement, tellement le sujet plaisait aux habitants de la ville. C'est que le lac ne cessait de leur dire, à ces pauvres filles, jolies mais pauvres, de sa voix sournoise et presque imperceptible, "Viens ici, ma petite belle".

D'ailleurs il n'y en a jamais vraiment de fraîcheur par là-bas.

Avez-vous jamais demandé au chauffeur d'un taxi de faire deux tours du lac dans la nuit déserte, juste comme ça, sans aucune intention? On venait de sortir d'un discothèque bondé situé à quelques mètres du lac, il faisait un froid à frissonner. Frileux, nous avons sauté n'importe comment dans le premier taxi et, après deux minutes, nous en sommes arrivés à cette demande absurde. "C'est bébête", dirait Céline. Oui, mais c'est aussi somptueux, tout de même. L'amour est somptueux, ou il n'est pas. On filait sur les rues qui bordaient cet espace de perfidie, de félonie. Des arbres étaient en faction tout autour, ayant reçu l'ordre de garder jalousement ce que contenait d'absolument venimeux le lac, un trésor inestimable sans lequel rien n'est possible, même l'amour. Mais l'amour, c'est aussi une question d'habitude. Tandis que moi, je vis chichement.

À la guerre comme à la guerre: des fois qu'il pleut des torrents, il faut courir vite, luttant contre le vent féroce sans pour autant pouvoir éviter d'être mouillé. Ces-fois là, évidemment, le maudit lac fuse ses rires sonores.

Dans le temps, c'est-à-dire long time ago, fort de ma misérable jeunesse et d'une chose qu'on appelle communément un bec pas très noir, doué d'une grande timidité ainsi que d'une insolence terrible, muni des loques ou des haillons, j'ai pris le plaisir d'y rôder. Surtout la nuit, la vie nocturne est la seule qui inspire





Sortir du puits

On n'en finit pas

Anti-paradoxes

Sur Barthes (1)


No comments:

Post a Comment